Investissement ou consommation : le but de la relance, c'est l'emploi

Publié le par Le Club Aita

Dans un article paru en début d'année sur son blog, Alain Lipietz livre au détour d'une phrase son interprétation de la crise que nous traversons : "(...) la crise actuelle, (...) du point de vue strictement économique, est une crise de surproduction/sous-consommation due à la faible part des salaires dans la valeur ajoutée".

Evidemment, cette analyse n'engage que son auteur et pourrait sans doute être qualifiée de réductrice, mais elle a le mérite de la clarté et résume avec efficacité un aspect central du problème. Ainsi, aux Etats-Unis, les inégalités de revenus avaient atteint un niveau record juste avant l'éclatement de la crise et les salaires témoignaient d'une inquiétante stagnation voire, pour les plus bas salaires, d'une forte baisse en termes de revenus réels. Et en France, la question de la répartition des richesses et du niveau des salaires est un débat récurrent, nourri par des constats inquiétants comme celui de l'apparition d'une vaste population de "travailleurs pauvres".

A défaut de revenus d'activités suffisants, le seul moyen de maintenir un niveau de consommation élevé est alors de recourir à l'endettement (voire au surendettement) avec les conséquences que l'on sait : éclatement de bulles spéculatives assises sur des créances insolvables et implosion du système bancaire.

La manne du crédit s'étant tarie, la "faible part des salaires dans la valeur ajoutée" entraîne une "sous-consommation" qui prolonge la crise en une longue récession.

Bien que rapide, cette analyse impose de se poser une question : comment, dans ce contexte, une politique de "relance par l'investissement" peut-elle avoir une chance de réussir ? Car une entreprise n'investit pas pour le plaisir de dépenser l'argent dont elle dispose (ou que l'on met à sa disposition). Elle investit lorsqu'elle considère que le marché présente des débouchés suffisants pour cela, avec des perspectives de retours attractives. Ce qui n'est pas le cas en période de "sous-consommation"...

Pourtant, c'est bien ce modèle de "relance par l'investissement" qui a été retenu par le gouvernement. Avec pour l'instant un bilan peu glorieux, où la pente du taux de chômage suit celle du déficit public, l'un et l'autre fermement orientés à la hausse.

L'opposition de gauche, dans le même temps, plaidait elle pour une relance par la consommation. Cette option aurait-elle été plus efficace ? Il est évidemment difficile de répondre à cette question, sauf à jouer le jeu de la "politique-fiction". De nombreux analystes estiment cependant que le bilan en aurait été décevant : la forte part des produits d'importation dans la consommation nationale fait que les bénéfices d'une telle relance auraient été assez faibles pour les entreprises françaises, du moins pas à la hauteur des sommes dépensées.

Ces deux orientations (investissement et consommation) ont en fait toutes les deux le même défaut : elles tournent autour du pot. Car à terme, l'objectif de ces deux types de relance est le même : améliorer le contexte économique pour que les entreprises recommencent à créer de l'emploi !

Mais au lieu de s'attaquer au problème frontalement, elles préfèrent passer par des chemins détournés, tortueux, qui finalement ne mènent nulle part. Pourtant, il est bien évident que socialement, la création d'emplois doit être la priorité. Tout comme il est évident qu'un chômage de masse, tel qu'on le connaît actuellement, constitue un poids qui pèse lourdement sur les perspectives de redécollage de l'économie. Atonie du pouvoir d'achat, déséquilibre des comptes sociaux, baisse de la fiscalité : le chômage, c'est tout ça à la fois.

Qu'attend-on alors pour mettre les moyens directement là où on est sûrs qu'ils seront utiles, c'est-à-dire dans la création d'emplois ? C'est pourtant quelque chose que l'on sait faire, comme le prouvent les nombreuses expériences menées en matière d'emplois aidés, emplois qui très souvent ont fait la preuve de leur utilité sociale. Ces emplois souffrent cependant de plusieurs limites : temps partiel, faible rémunération, durée déterminée. Mais il n'est pas trop tard pour mieux faire.

Publié dans Analyses

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article