Chronique d'une inscription à Pôle Emploi

Publié le par Le Club Aita

C’est une sorte de parcours du combattant. Un défi que doit relever tout nouveau demandeur d’emploi et qui pourrait être libellé en ces termes: "Votre mission, si toutefois vous l’acceptez, est de faire valoir vos droits auprès du service public de l’emploi."

Après avoir passé son premier coup de fil à Pôle Emploi, en janvier dernier, Magali était confiante: "Le conseiller que j’ai eu au téléphone était clair, d’un contact agréable." Elle attend donc quelques jours la convocation promise pour le rendez-vous d’inscription. Puis, ne voyant rien venir, rappelle: "Ah non, votre demande n’a pas été enregistrée", lui dit la voix au téléphone. "Mais cette fois c’est bon", assure-t-elle ensuite. Pourquoi un deuxième appel a-t-il été nécessaire? Mystère…

Toujours est-il que la convocation arrive en effet, quelques jours plus tard. Premier rendez-vous. Magali explique son projet: après plusieurs expériences dans le domaine canin, elle souhaite faire une formation dans le but de créer un élevage. La conseillère est enthousiaste, mais son apport est faible: elle ignore tout de cette filière, s’étonne même que des formations existent, et peine à trouver dans quelle case intégrer Magali. Faute de mieux, ce sera "vendeuse en animalerie".

Reste la question du calcul des droits. Sur ce point, une rapide recherche informe la conseillère que Magali a déjà été inscrite comme demandeuse d’emploi, il y a presque dix ans, et qu’à l’époque sa situation avait donné lieu à un refus d’indemnité. Ce qui apparemment la tracasse. "Mais ma situation est très différente aujourd’hui", argumente Magali. Toujours est-il que la conseillère s’isole pour s’entretenir avec une collègue. Elle revient quelques instants plus tard, et précise que Magali recevra une notification par courrier. "Mais vous pensez que j’ai droit à quelque chose?"  "Je ne peux pas vous dire…"

Quelques jours plus tard, Magali reçoit un courrier l’informant que sa demande d’indemnisation au titre de l’allocation chômage est rejetée, sans précision. Nouveau coup de fil à Pôle Emploi: on lui apprend que ce courrier a été envoyé automatiquement suite au premier rejet de sa demande (celui d’il y a dix ans...). "Il ne faut pas en tenir compte, la vraie notification arrivera sous quinze jours."
Effectivement, deux semaines plus tard arrive un second courrier. Qui indique lui que des droits ont bien été ouverts, et que Magali pourra bien percevoir l’indemnité. Ouf!

Rassurée, elle poursuit ses démarches pour commencer sa formation. Problème: cette formation est-elle reconnue? Et lui permet-elle d’être exonérée de l’obligation d’effectuer une "recherche active d’emploi"? Un second rendez-vous s’impose.

Nouveau coup de fil, nouvelle convocation et nouveau rendez-vous, avec un nouveau conseiller. Qui contacte en direct l’organisme de formation. Et cette fois les nouvelles sont franchement encourageantes: non seulement la formation peut être prise en compte, mais en plus elle permet de bénéficier d’un complément d’allocation. Bon, une panne informatique empêche le conseiller de vérifier tout ça formellement, mais il est sûr de ses dires. Magali peut s’inscrire en confiance, demander un justificatif de formation et revenir à Pôle Emploi faire valoir ses droits.

Ce troisième rendez-vous intervient une quinzaine de jours plus tard. Elle se présente avec les documents qui attestent son entrée en formation. Mais cette fois l’ambiance est exécrable à l’antenne de Pôle Emploi. Une conseillère est absente et n’a prévenu personne (c’est justement celle avec qui Magali a rendez-vous). Toutefois, les rendez-vous seront assurés, pour peu que chacun veuille bien s’armer de patience.

Magali attend environ trois quarts d’heure. Durant ce laps de temps, elle est témoin de deux altercations. Une première parce qu’un demandeur est arrivé à son rendez-vous avec dix minutes de retard. Son conseiller, qui lui était à l’heure, ne peut plus le recevoir. L’homme explique qu’il vient de loin, qu’il a préparé ce rendez-vous de longue date, mais se heurte à un refus inflexible. Il s’énerve, interpelle bruyamment les conseillers présents, et obtient finalement gain de cause.

La deuxième altercation concerne une femme qui peine à faire avancer son dossier. Apparemment il manque encore un papier pour que tout soit en ordre, et on lui demande donc de revenir avec ledit document. Mais elle ne l’entend pas de cette oreille et, manifestement ulcérée par la complexité des démarches, fait scandale. Curieusement, son esclandre s’avère payant et elle repart avec l’attestation qu’elle était venue chercher. Comme quoi ce n’était pas si impossible que ça de la lui donner. Mais durant cette matinée où tout le monde est à cran, l’incohérence semble la règle.

Magali est enfin reçue. Elle remet son attestation de formation à la conseillère qui lui fait face. Cette fois l’informatique fonctionne, et la conseillère peut donc lui préciser que ce qu’on lui a dit lors de son rendez-vous précédent est… faux. "Votre formation est à temps partiel, donc ça ne marche pas." Pas d’indemnité bonifiée, et pas non plus d’exonération de recherche. Toutefois, comme Magali n’est pas disponible pour un poste à temps plein (elle a quand même le droit de faire sa formation) elle n’est pas inscrite en catégorie A. Ce qui est toujours bon à prendre: traditionnellement, seule cette catégorie, qui regroupe les "chômeurs à plein temps", est prise en compte par les statistiques officielles.

Evidemment Magali est déçue. Mais la conseillère tient à faire son boulot jusqu’au bout: il ne sera pas dit qu’elle terminera ce rendez-vous sans avoir fait une proposition positive! "Vous faites du sport?" demande-t-elle de but en blanc. Surprise par la question, Magali ne sait que répondre:

"Euh, je fais de la marche régulièrement.
- Si ça vous intéresse, j’ai là une offre de conseiller clientèle dans un magasin d’articles de sport.
- Mais enfin, ça n’a rien à voir avec mes qualifications et mes expériences !"

 La proposition fait flop, et la conseillère en reste là. Magali s’est déplacée à peu près pour rien. Ce qui est à l’avenant de ces différents échanges dont le bilan n’est pas brillant, voire franchement négatif puisque Magali s’est inscrite à sa formation en pensant que cela lui donnerait des droits auxquels elle ne peut, au final, pas prétendre…

Publié dans Vécu

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C
<br /> <br />  <br /> <br /> <br /> SANS-emploi<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> J'ai passé 25 ans, un quart de siècle à écrire des lettres de motivation. Un quart de siècle à motiver mes atouts,mes compétences, mes<br /> qualités, motiver ma motivation à travailler. Ma motivation à vivre par son travail, ma motivation à recevoir ma pitance, mon droit à subvenir à mes petits besoins de solitaires, salariées<br /> précaires, nomade éternelle.<br /> <br /> <br /> Un quart de siècle de précarité.<br /> <br /> <br /> Être dedans et dehors à la fois. Survivre en trimbalant dans sa poche une identité qui vous colle comme une maladie, un exéma ,le numéro<br /> d'identifiant au pôle emploi.<br /> <br /> <br /> Destination pôle emploi; pôle froid, Un désert sibérien, où l'on reste transis de désespoir au aguets d'un quelconque minuscule refuge pour<br /> encore survivre dans l'ère glaciaire de mon humanité.<br /> <br /> <br /> Que sera demain ?<br /> <br /> <br /> Demain sera longue durée? Demain je voudrai être libérée de l'angoisse glacée qui tétanise tout instinct de survie. Ne jamais lâcher, ne<br /> jamais glisser vers le trou, ne jamais tomber. Tenir, ne pas baisser les bras, aller toujours toujours de l'avant.<br /> <br /> <br /> Faire encore un pas contre ce blizzard, faire encore ce pas.<br /> <br /> <br /> Seule la peur est moteur de cet élan. La peur de glisser dans la faille , le gouffre de la folie. Happée par ce vide , cet appel désespéré de<br /> tout quitter, je me laisse porter par le souffle de l'anéantissement qui me guette à chaque fin de contrat.<br /> <br /> <br /> Survivre et non vivre. Alterner,souplesse, flexibilité,agilité,abnégation de soi pour se couler dans un moule trop étroit. Prendre la forme<br /> d'un sarcophage. Devenir ce mort vivant gangréné par la trouille d'être bouffé par l'anonymat de ma condition de sans. Bouffée et vampirisée par des suceurs de sang assoiffés et gavés de faire de<br /> ma vie du profit.<br /> <br /> <br /> Qui regarde la souffrance du sans-emploi? qui la voit et qui l'entend?<br /> <br /> <br /> La gangrène du désespoir lamine toute initiative. Honte et coupable de n'être rien, honte d'être réduit à ce mot: SANS.<br /> <br /> <br /> Vidée , anéantie , je finirai donc prématurément , tombe du sans emploi, au panthéon des anonymes. Soldat inconnu d'une guerre économique qui<br /> sacrifie sur l'autel de la concurrence tous ceux qui ne veulent plus participer à la sélection .<br /> <br /> <br /> Enfermée dans ma solitude, je mourrai de cette épidémie qui tue tous ceux qui puent la détresse, cette peste noire de notre société<br /> d'asservis.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Non, je refuse ce sacrifice et en ce jour je vais laisser place à ma colère. Ne plus accepter de se sacrifier, arrêter d'être victime de ce<br /> marasme.<br /> <br /> <br /> Lever la tête. Remettre le couteau entre les dents. Armée de cette colère qui gronde au fond de tous les SANS, partir en guerre contre cette<br /> gouvernance d'état, contre cette machination économique qui éliminent et suicident à petit feu tous ceux qu'on ne sélectionne pas.<br /> <br /> <br /> Exclus , les sans emploi, les sans-diplôme, les sans logement, les sans-papiers, les sans-abris, les sans-racine, les sans-famille .Ne pas se<br /> laisser anesthésier par l' infamie.<br /> <br /> <br /> Quant tous les SANS larguerons leur colère pour exiger d'exister avec le respect et la dignité que chaque humain devraient avoir.<br /> <br /> <br /> Quand la colère éclatera sur les têtes de nos décideurs,<br /> <br /> <br /> Alors ceux qui nous affament apprendrons aussi à avoir peur.<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Chômeuse Rebelle<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> Prenez connaissance de l'<br /> <br /> <br /> Appel de la coordination des collectifs de chômeurs et précaires : tous en grève lundi 3 mai !<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> et rejoignez les collectifs existants, crééez-en de nouveaux, ce serait illusoire de croire que l'on se sort seul d'une précarisation qui se développe depuis plus de 30 ans. C'est collectivement<br /> que l'on peut découvrir la puissance du nous.<br /> <br /> <br /> <br />
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C
<br /> <br /> Ben oui, Pôle emploi est une zone de non droit et on y trouve<br /> pas ce dont on a besoin, ni un revenu (la moitié des chômeurs est non indemnisée), ni des formations, ni des infos sur les droits. On y est confronté à des convocations sous peine de radiations,<br /> des offres d'emploi précaires et sous payés et la culpabilisation que l'on veut nous faire éprouver, comme si le chômage était une affaire individuelle...<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Cela fait partie des raisons pour lesquelles divers collectifs de chômeurs, d'intermittents et de précaires appelent à une grève des chômeurs et précaires à partir du lundi 3 mai<br /> <br /> <br /> <br />
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